Des amis fidèles et généreux nous ont offert pour nos 60 ans une croisière sur le Bou El Mogdad, un antique bateau construit en Hollande qui fait la navette sur le fleuve Sénégal entre Saint Louis et Podor. Nous rêvions de faire cette croisière : grâce à eux, la réalité est arrivée plus tôt que prévu. Nous partageons ici notre carnet de bord de ces jours délicieux passés à remonter le fleuve Sénégal, comme une incitation à faire, vous aussi, ce parcours... avant bien sûr de terminer votre séjour sénégalais par quelques jours passés à Keur Camape :)
Nous débutons cette série de six chroniques de notre carnet de bord par Saint Louis.
Saint Louis est une ville totalement à part et son identité spécifique saute aux yeux du voyageur dès les premières minutes. La ville est composée de trois entités : la ville elle-même sur la terre ferme, l'île de Saint Louis au milieu du fleuve Sénégal (Ndar) et enfin la langue de barbarie, longue et fine dune de sable étirée le long de l'océan. Saint Louis et l'eau est une histoire complexe : bercée par le fleuve Sénégal et bordée par l'océan, la ville vit au rythme de la pêche. Mais si l'eau est ici source d'activités, elle est aussi source d'inondations, qu'il s'agisse des débordements du fleuve durant l'hivernage ou du travail de sape de l'érosion côtière.
Saint Louis est dit-on la plus ancienne ville créée par les Français en Afrique de l'Ouest : Louis XIV n'avait alors que 20 ans et c'est sur l'île que les Français s'installèrent d'abord. La ville est alors au centre d'un vaste réseau commercial dont la représentation la plus emblématique est sans doute la fameuse Compagnie française des Indes occidentales. C'est par elle que se développe le commerce des produits de l'Afrique de l'Ouest... et la traite négrière.
Au milieu du XIXème siècle, Saint Louis capitale économique, accède au rang de capitale politique jusqu'à devenir en 1895 la capitale de l'Afrique Occidentale Française, l'AOF, composée outre le Sénégal de la Mauritanie, du Soudan, de la Guinée et de la Côte d'Ivoire.
C'est à cette époque que furent bâties les principales infrastructures de la ville sous l'impulsion de Faidherbe, parmi lesquelles le pont jeté entre Sor (la partie continentale de St Louis) et l'île qui porte son nom et qu'empruntent aujourd'hui encore des milliers de Saint-Louisiens. Ce n'est qu'en 1902 que Dakar lui ravira définitivement ce titre.
De cette longue période coloniale, Saint Louis a conservé de nombreux vestiges, faits de bâtiments commerciaux ou administratifs ou encore de demeures qui, bien que subissant les outrages du temps et du sel, conservent un attrait réel et donnent à cette ville ce visage et cette ambiance si particulière.
A notre arrivée, le Bou est sagement amarré au quai, en amont du pont Faidherbe. Après avoir pris possession de notre cabine et goûté une première fois à (l'excellente) cuisine du bord, c'est la première nuit sur le bateau, bercés par les chants envoutants -et un peu lancinants, il faut bien l'avouer !- qui, durant toute la nuit, traverseront le fleuve jusqu'à nous. Au petit déjeuner du lendemain, les yeux de certains voyageurs témoignent que ce premier contact avec le sens africain de la fête a été... diversement apprécié !
Puis vient l'heure du départ : la croisière commence.
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