Entre Mauritanie et Sénégal, notre croisière sur le fleuve se poursuit. Nous traversons des villages où les femmes font les lessives dans le fleuve pendant que les hommes travaillent dans les champs. Tout un pan de la vie rurale africaine défile sous nos yeux.
Sur les berges, les enfants nous interpellent joyeusement. Il fait dire que l'escale du Bou El Mogdad dans un village constitue pour les habitants de ces étapes une aubaine financière. Mais le Bou ne peut pas s'arrêter partout ; nous poursuivons notre route.
Devant l'étrave du bateau, des vols de canards crieurs s'envolent quelques instants pour se reposer un peu plus loin sur l'eau... jusqu'à ce que le bateau les rattrapent de nouveau.
Sur les bords du fleuve, on entend souvent des pompes tourner à plein régime pour alimenter les petits canaux d'irrigation des cultures maraîchères : nous sommes là en pleine riziculture notamment. En-dehors du Bou, ne croiserons pas un bateau durant notre croisière : il est étonnant de constater à quel point cette voie navigable du fleuve est totalement inexploitée au profit de norias de camions qu'on voit parfois lorsque le fleuve est longé par la route qui dessert le nord du pays. Il n'y a pas qu'en France que le transport fluvial est à la traine.
En début d'après-midi, nous atteignons Richard-Toll, qui signifie le jardin de Richard, en souvenir de Jean Michel Claude Richard, un botaniste français qui tenta d'acclimater là des espèces végétales françaises.
A la fin du XIXème siècle, un gouverneur du Sénégal, le baron Jacques-François Roger, s'est fait construire près du méandre du fleuve un véritable château qui sera habité par la suite par Louis Faidherbe, avant d'être transformé en monastère puis en école.
Le bâtiment est aujourd'hui en ruines, les nombreuses promesses de restauration étant demeurées à ce jour des vœux pieux. Pourtant, même décati, le bâtiment -la Folie du Baron Roger- témoigne encore joliment des ambitions du passé et est une des curiosités de l'endroit, lequel est bien connu par ailleurs des chasseurs qui viennent de très loin pour s'adonner ici à leur passion.
Quittant le centre de Richard-Toll, nous nous dirigeons ensuite vers une plantation de canne à sucre. La production de cette plante a débuté ici en 1970 sur plus de 13 000 hectares. A lui seul, le complexe système d'irrigation des parcelles depuis le fleuve mériterait le détour : selon la nature du sol, l'arrosage s'y fait sous forme d'irrigation gravitaire (sols argileux) ou de goutte à goutte (sols sablonneux) grâce à la cinquantaine de pompes qui apportent l'eau du fleuve.
Mais lors de notre visite, c'est à un autre spectacle tout aussi étonnant que nous allons assisté : le brûlage de la canne (*). En effet, une fois la canne arrivée à maturité mais encore verte, les champs de canne sont incendiés volontairement par les cultivateurs pour débarrasser la plante des feuilles mortes qui rendent plus difficile ensuite le travail manuel des coupeurs. C'est un gigantesque brasier qui nait... et meurt en quelques instants, laissant à quelques phacochères à peine le temps de quitter précipitamment la parcelle embrasée. La canne est ensuite coupée et rassemblée en andains avant d'être récoltée et transportée jusqu'à l'usine toute proche.
Cette étape de Richard-Toll restera longtemps dans la mémoire des occupants du Bou.
(*) Pour en savoir plus sur le brûlage de la canne : voir ici
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