Le commandant nous avait prévenu la veille : la navigation du lendemain débuterait plus tôt qu'à l'ordinaire. Même si notre destination du jour, Dagana, n'est qu'à une trentaine de kilomètres par la route, le fleuve dessine de nombreux méandres au milieu des bancs de sable, imposant un pilotage aussi délicat que prudent. C'est donc le bruit des moteurs du Bou qui nous servent aujourd'hui de réveille-matin.
A l'arrivée à Dagana, une agréable surprise nous attend : nous quittons le restaurant du bateau pour manger un Tiep bou dien sur les berges du fleuve. Le Tiep, c'est LE plat national du Sénégal ou, plus exactement un des grands plats sénégalais. Car, il faut le dire, la cuisine sénégalaise est l'une des meilleurs d'Afrique de l'Ouest et elle est très diversifiée.
Ce Tiep, nous allons le manger "à la Sénégalaise", c'est-à-dire assis par terre sur des nattes, sous l'ombre rafraichissante des manguiers avec une simple cuillère.
On ne va pas se mentir : les premières secondes sont marquées par une certaine gêne entre les membres du groupe : manger par terre en plongeant chacun dans le même plat ? Tout ça est tellement contraire à ce que nos parents nous ont inculqué... ! Mais passés les premiers instants, chacun s'est régalé et, il faut bien le dire, le partage de nourriture dans ces conditions favorise une proximité et un contact qui dérideraient le plus psycho-rigide d'entre nous.
La journée se poursuit ensuite par la visite du village et du Fort de Dagana, création de Faidherbe, vestige lui aussi de la forte activité commerciale de la période coloniale. Le (remarquable) guide Ansoumana Badji qui nous accompagne chaque jour nous mène jusqu'à la statue dédiée à la reine Ndaté Yalla Mbodj (ou Ndete Yalla) (1810-1860) qui fut la dernière grande reine du Waalo, un royaume situé dans le Nord-Ouest de l'actuel Sénégal. Cette reine s'illustra par son engagement sans faille contre les colons français.
L'histoire raconte qu'un litige opposa la Reine au Gouverneur français de Saint Louis à propos du passage de bétail à Dagana à destination de la capitale. La Reine exigeait que son village obtienne 10% du bétail en paiement de la traversée du village. Le Gouverneur trouvait cette demande exorbitante. La reine Ndete Yalla n'hésita pas à défendre sa cause en ces termes auprès du Gouverneur français : "Nous n'avons causé de tort à personne. Le Waalo nous appartient, c'est la raison pour laquelle nous garantissons la liberté de passage des marchandises dans notre pays. Pour cette raison, nous facturons 1/10e de ces marchandises, et rien de plus. Saint-Louis appartient au gouverneur, le Cayor au Damel, le Djollof au Bourba, Le Fuuta à l'Almamy, et le Waalo au Brak. Chacun de ces chefs gouverne son territoire selon la manière qui lui convient". Fermez le ban !
La visite de Dagana nous permettra aussi d'en apprendre davantage sur la gomme arabique dont l'exportation vers l'Europe fit de ce village un grand comptoir commercial.
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