On peut dire qu'entre la Toussaint et la fin juin, il ne tombe pas une goutte de pluie sur la région de la petite Côte du Sénégal. A partir de juillet-août, et surtout en septembre et octobre, le Sénégal connait sa saison des pluies, appelée ici l'hivernage.
Ces pluies arrivent du Mali voisin sous la forme d'orages qui progressent vers l'ouest. Certains finiront d'ailleurs en tempêtes tropicales ou en ouragan une fois arrivés de l'autre côté de l'Atlantique. Les scientifiques qui analysent la météo sénégalaise expliquent que la déforestation qui sévit dans l'intérieur du pays réduit l'évapo-transpiration des arbres et donc l'humidité ambiante : c'est ainsi que nombre d'orages venus de l'Est s'épuisent et s'assèchent avant d'atteindre le Sénégal, surtout en début d'hivernage. Puis, petit à petit, la saison avançant, la zone de convergence intertropicale remonte vers le nord, les orages se structurent et se multiplient : c'est l'arrivée de la pluie.
L'évènement est extrêmement attendu par les Sénégalais chaque année. Par les paysans d'abord qui préparent les terres et réalisent leurs semis en fonction de ce calendrier météo. Mais aussi par la population en général parce que l'arrivée de la pluie signifie une baisse, au moins temporaire, de la température ambiante. A la saison donc, chacun scrute l'horizon et suit fiévreusement les prévisions de l'ANACIM, l'agence nationale sénégalaise de la météo, dans l'espoir de voir annoncées les gouttes d'eau salvatrices.
Personnellement, j'aime bien suivre aussi les prévisions d'un amateur éclairé qui publie sur facebook ses prévisions : la météo de Riad.
L'eau n'est pas seulement attendue par les paysans et les amateurs de (relative) fraîcheur : c'est aussi durant l'hivernage que se reconstituent les réserves en eau douce du pays et notamment les nappes phréatiques dans lesquelles on pompe tout le reste de l'année. C'est dire le caractère stratégique de l'hivernage pour un pays au climat sahélien.
Cette saison des pluies est aussi celle où le paysage de la brousse se métamorphose complètement : la poussière de latérite disparait sous des herbes d'un vert tendre qui fait parfois ressembler le Sénégal à... l'Irlande : une vraie transformation !
Chaque médaille ayant son revers, l'hivernage sénégalais est aussi synonyme d'inondations et de difficultés de transports. Dans un pays sans pluie durant 9 mois, il est assez rude de créer et entretenir des canaux de drainage de l'eau de pluie. Ainsi, il n'est pas rare que ces fossés, quand ils existent, soient totalement bouchés au début de l'hivernage, entrainant l'inondation des points bas de quartiers entiers.
Le réseau routier lui-même n'échappe pas aux affres de l'hivernage : même les routes bitumées, qui ne concernent que les principaux axes routiers, souffrent durant cette période et il n'est pas rare ni de tomber sur un tronçon submergé, ni d'y voir fleurir des trous béants. Quant aux routes secondaires, ce sont en réalité des pistes faites de terre et/ou de sable : elles deviennent rapidement impraticables durant l'hivernage, rendant plus difficile encore le transport des hommes et des marchandises.
Malgré les difficultés de cette saison, les Sénégalais ne se départissent jamais de ce sourire qui illustre leur philosophie résiliente, leur viatique face aux éléments naturels : l'hivernage fait pleinement partie de leur vie.
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